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VOILA J’EXISTE!

 

Des années durant, tout a été étouffé. Rien n’a transpercé la surface. La maison a été tenue. Les enfants ont été entourés. Les relations ont été entretenues. Un lapin a même été acheté. Une maisonnette lui a été construite, avec un toit rouge et des volets verts. Un enclos lui a été installé, pour qu’il puisse profiter de l’herbe fraîche sans être tenté d’aller voir ailleurs. Quand il a commencé à péricliter, des graines spéciales lui ont même été achetées. Rien n’a été oublié. Et pourtant, tout a été négligé.

Mais maintenant, c’est fini. Le temps des compromis est passé. L’heure de la révolte est arrivée. Aucun enfant n’aura plus à se cacher la tête sous l’oreiller pour trouver le sommeil. Aucune porte n’aura plus à subir de sévices. Aucune bouteille ne valsera plus dans le salon.

Depuis ce vendredi 24 septembre où j’ai pris le téléphone et composé le 117, j’existe. C’est aussi simple que cela, voilà… j’existe. Moi, Maud, trente-six ans, plus habituée des conciliations que des conflits frontaux, j’existe enfin. Je m’exprime. J’ose. Je crie. Je m’impose. Je rue. Je riposte. Oui, je riposte et je déverse un torrent de colère avec une violence inversement proportionnelle au temps durant lequel elle a été contenue. Ce qui fait une sacrée dose de colère, je peux vous l’assurer.

J’ai déclenché un brasier et je ne compte rien faire pour l’éteindre. Je vais le laisser brûler la maison et tous les souvenirs qu’elle abrite. Il ne fera pas de distinction entre nos complicités et nos disputes, mais tant pis. Je vais garder mon nouveau cap, droite et fière. Je vais prendre mes enfants par la main et les emmener sans me retourner.

 

Véronique Rosset, février 2022