Sélectionner une page

L’AQUATREK

 

Avant même qu’ils ne descendent du SUV blanc immaculé, j’ai compris. Un véhicule pareil, d’une marque allemande et aussi propre. Cela ne pouvait pas manquer. Lui, barbe de hipster nickel chrome, polo blanc aussi net que sa voiture et short de golfeur. Elle, lunettes de soleil élégamment posées sur ses cheveux, petite robe en lin mais d’une coupe irréprochable et sandales de Saint-Tropez.

Il est évident qu’avec notre utilitaire, à la carrosserie cabossée et mouchetée d’insectes, on n’en jette pas autant. Mon mari, la barbe de trois jours, en mode Bradley Cooper mais sans les abdos et le T-shirt plus gris que blanc. Moi, les cheveux hirsutes après deux jours de camping et habillée d’une robe achetée sur un stand ethno.

Pas le temps d’analyser la situation plus en détail. Le hipster me fait signe. Hyper à l’aise, il s’approche de notre camionnette d’un pas décidé.

– Bonjour, vous avez aussi réservé un aquatrek ?

– Hein ? Un quoi ?

– Un aquatrek, une randonnée aquatique, dans la rivière.

– Euh, oui…

– Nous aussi ! Enchantés, je m’appelle Renald et voici ma femme Flore.

Et voilà qu’en plus, ils sont avenants et pas timides pour un sou. Alors que moi, je ne peux même pas présenter mon mari, qui est en train de se démener pour éteindre notre autoradio qui refuse d’obtempérer depuis deux jours.

Mais attendez voir d’être dans la rivière, mes jolis. Vous ferez moins les fiers.

Une fois équipés et les pieds dans l’eau, je déchante vite. Le Renald est un as du canyoning et son bibelot ne s’avère pas en être un. Non contente d’être belle, mince et souriante, elle est en plus dégourdie et effectuer des sauts de cinq mètres sans rechigner.

C’est seulement quand nous revenons aux véhicules que le destin tourne. Leur magnifique 4×4 a disparu, avec toutes leurs valeurs et leurs habits. Je laisse la pression monter et les observe s’enflammer de longues minutes, avant de dégainer ma botte secrète :

– Vous voulez qu’on vous emmène à la gare la plus proche ? C’est pas tout propre, mais il y a de la place dans notre camion.

 

Véronique Rosset, juin 2022